Johanna Vasconscelos
Johanna Vasconscelos

BIOGRAPHIE

Joana Vasconcelos naît en exil à Paris en 1971 mais ses parents reviennent au Portugal après la Révolution des Œillets d’avril 1974. Dès le milieu des années 2000, elle acquiert une reconnaissance internationale, d’autant plus remarquable que son travail va à l’encontre des tendances de l’art contemporain dans le refus généralisé du matériel et de la beauté. Elle dit « utilise[r] tous les codes du design, de la mode, du luxe et les déguise[r] avec les matériaux du quotidien » et « penser [s]on travail comme une manufacture de la poésie (…), avec l’esprit du voyage, le goût pour la recherche et la découverte. »

De fait, Joana Vasconcelos s’empare souvent de nos objets familiers qu’elle détourne pour leur donner une vie nouvelle, en les intégrant dans des formes liées au monde réel ou bien à la fantasmagorie, mais très souvent de dimensions gigantesques. Monumentalité imposante encore rarement osée chez les sculptrices mais qui adhère à la démarche de l’artiste, axée sur la place de la femme dans la société, partant du cas de la Portugaise, longtemps astreinte aux seuls travaux domestiques. Elle les transporte dans un autre contexte qui révèle alors une femme libre de faire ce qu’elle veut.

Si elle peut employer des matières premières qui rappellent le faste d’antan, la notion de luxe est souvent décalée par l’emploi de « matériaux démocratiques » pour créer des objets sublimes de beauté ou par l’usage de matières à la fois industrielles et précieuses mêlant raffinement et kitsch dans une excentricité esthétique. Mais il s’agit là de dénoncer l’artificialité des frontières entre culture populaire et culture d’élite, luxe et vulgarité.

L’art de Joana Vasconcelos se veut porteur d’un engagement politique universel, contre le pouvoir absolu par exemple, manifesté notamment lors de son exposition au château de Versailles en 2012, mais elle s’oppose avec vigueur à la dissolution des cultures induite par la mondialisation, en puisant souvent aux racines historiques et culturelles portugaises (pour la Biennale de Venise de 2013, récupération d’un bateau « cacilheiro » et actualisation des azulejos ; nouvelles destinations de la dentelle au point des Açores) qui forgent son identité pour donner libre cours à sa créativité.

Cet art si personnel, qui peut évoquer selon le cas Calder (mobiles), Marcel Duchamp (ready-made) ou les Nouveaux Réalistes (récupération de matériaux), frappant d’emblée par sa splendeur extravagante porteuse d’humour, voire de rêve, véhicule à y regarder de plus près une vision lucide et ironique de ce monde en vue de construire le futur :« Au fond je suis une journaliste. »

(Martine Heudron)

JOANA VASCONCELOS
JOANA VASCONCELOS

Sculptrice et artiste multimédia portugaise.

Formée à l’école d’art Ar.co de Lisbonne entre 1989 et 1996, Joana Vasconcelos a reçu, entre autres, le prix EDP Novos artistas en 2000 et le prix The Winner Takes It All de la Fondation Berardo, en 2006 à Lisbonne. Présenté lors d’importantes expositions personnelles et collectives au Portugal et à l’étranger, son travail frappe tout d’abord par son inventivité, son exubérance chromatique et son apparence ludique. De nombreuses sculptures et installations sont créées par une accumulation d’objets du quotidien : l’énorme lustre deA Noiva (« la mariée », 2001-2005), présenté à la Biennale de Venise en 2005, est fabriqué avec des milliers de tampons hygiéniques, qui, détournés de leur fonction habituelle, ironisent sur les mécanismes de la société de consommation, alors que le titre suggère une possible référence à l’œuvre de Marcel Duchamp.

La question de l’identité « féminine » est explorée par l’artiste dans de multiples pièces, notamment à travers l’appropriation d’éléments extraits de l’univers domestique, comme le travail au crochet ou des casseroles et des couvercles, avec lesquels est fabriquée, par exemple, une grande chaussure à talon (Cinderela, « Cendrillon », 2007). Cette stratégie d’appropriation et de détournement touche également l’univers de la culture populaire, en particulier portugaise : ainsi, les somptueuses sculptures de Coração independente (« cœur indépendant », 2004-2008) évoquent à la fois le fado et les traditionnels bijoux portugais en filigrane, tout en étant fabriquées avec des couverts en plastique coloré, matériau moderne et anodin ; dans Euro-Visão (« euro-vision », 2005), un téléviseur, transmettant le célèbre concours de chansons populaires est recouvert de napperons au crochet, que l’on retrouve dans de nombreux foyers.
L’artiste est intervenue à plusieurs reprises dans l’espace public en créant des œuvres, souvent de grandes dimensions : pour Varína (2008), elle a collaboré avec de nombreuses femmes pour réaliser un ouvrage au crochet monumental, destiné à être suspendu sous le pont Dom Luís I, à Porto. Son œuvre a été présentée dans une importante exposition monographique en 2010, au musée de la collection Berardo. En 2012, elle est invitée à exposer au château de Versailles, mais sa mémorable « mariée » se voit retirée de l’exposition.

Giulia Lamoni

Extrait du Dictionnaire universel des créatrices
© 2013 Des femmes – Antoinette Fouque
Joana Vasconcelos — AWARE Women artists / Femmes artistes
Joana Vasconcelos, A Noiva [A Bride], 2001-2005, tampons OB, acier inoxydable, fil de cotton, cable en acier, 600 x Ø 300 cm, Courtesy Unidade Infinita Projectos Ajuda National Palace, Lisbonne, © Photo : Luís Vasconcelos, © ADAGP, Paris

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